Ma Jeanne

(pour tatie Paulette …)

Pourquoi écrire un article sur Jeanne d’Arc ? Parce que ça fait longtemps que les gens autour de moi me demandent d’écrire un article sur elle, de dire pourquoi je l’aime autant. C’est vrai que j’ai lu beaucoup d’ouvrages sur elle, mais je ne suis ni jeannolâtre, ni jeannophile, ni jeannophobe. J’ai une connaissance étendue mais moins que beaucoup et ce qu’il me semble c’est qu’il faut s’attacher en permanence à une analyse objective et multidisciplinaire.

J’aime Jeanne d’Arc pour une seule raison : parce que j’ai acquis la conviction au fil de lecture d’ouvrages de nombreux historiens qu’elle n’a jamais entendu de voix, ni n’a vu d’anges apparaître devant elle pour lui parler. Ils n’évoquent que rarement ce sujet, qui peut apparaître comme tabou dans leurs écrits, mais un fil se dessine, de récupération toujours plus fine d’informations à propos des événements en décryptage dans le contexte des sources d’il y a 600 ans, et qui laisse à penser que ce qu’elle a décrit comme des voix voire des apparitions lors de son procès au début de l’année 1431 n’était pas la réalité de ce qui se passait. Et de mon point de vue il apparaît que tout ce qu’elle a entrepris n’a été le fait que de positions qui sont nées de son opinion et de constructions ou décisions qui sont issues de ses reflexions et en fonction d’un contexte qu’elle a appris à condenser en une pensée et qui ne sont pas issues de « conseils divins » qu’ils lui auraient été glissés dans l’oreille par une force.
Il s’agit pour moi, bien que d’un sujet tabou, pour ses partisans comme ses détracteurs, d’un sujet central car il a été voulu comme tel par cette jeune femme.

Comment peut-on commencer à se faire sa propre opinion ? L’un des seuls moments où elle a évoqué le fait d’entendre des voix ou de voir des anges en apparition, comme l’a très bien montré Georges Duby, et comme je l’ai évoqué, a été seulement au moment de la conduite du procès d’Inquisition qu’elle a subit durant les derniers mois de sa vie. Ce procès infligé par un groupe d’ecclésiastiques bourguignons, parisiens ainsi que normands à Rouen, qui jugeront sorcière, relapse et hérétique la jeune et talentueuse armagnac qui sera condamnée à être « livrée au bras séculier » et dans la foulée brûlée. Auparavant, et avant d’être prisonnière, les quelques rares fois où on lui a demandé d’évoquer le sujet et où elle a accepté d’en parler assez librement, elle a évoqué un conseil divin, ou bien a dit « qu’elle tenait de par Dieu », ou bien « de son Conseil », la pertinence de telle position mais sans jamais à ce moment là évoquer la réalité d’un « messager », ou bien même qu’un « message » lui ait été réellement transmis. La nuance peut s’apparenter à de la pinaillerie mais elle n’a lorsqu’elle était libre à ma connaissance jamais évoqué de vecteur à ces conseils. Lorsqu’on lui a par exemple demandé dans quelle langue ce conseil s’adressait à elle, elle a répondu à Poitiers à cet évêque originaire du Sud, « très certainement dans une langue meilleure que la vôtre », sans confirmer ni infirmer si ce protocole existait mais en montrant bien sa volonté de ne rien expliquer et de tout garder secret même pour ses partisans.
Au début du procès en Inquisition à Rouen, en préambule des interrogatoires quand il lui sera demandé : « Jurez-vous de dire toute la vérité ? », elle répondra de façon brillante (je reproduis ici de mémoire) ce qui surprendra ses juges : « Ca dépend des choses sur lesquelles vous m’interrogerez ! Sur quoi allez-vous m’interroger ? Si vous m’interrogez sur certaines choses, je pourrai vous dire la vérité et sur d’autres je ne vous dirai pas la vérité ». De même : « Jurez-vous de dire la vérité sur les choses sur lesquelles vous serez interrogée ? ». Réponse infligée à Cauchon, responsable du procès : « Non je ne dirai pas la vérité par exemple si vous m’interrogez sur les révélations, je vous mentirai parce que je considère que ce qui s’est passé doit rester secret, et que vous n’avez pas à le savoir ». Autrement dit, je considère que les voix et les anges qu’elle évoquera plus tard au cours de ce procès, sainte Catherine, sainte Marguerite, et saint Michel, reprenant en cela les termes que les évêques ont mis en avant pour mieux tenter d’en discréditer le fondement, ont eu pour but dans son esprit de cacher aux ecclésiastiques qui l’interrogeaient, non destinataires de ces messages, le mode réel de transmission, le vecteur secret de ces conseils divins.

Jeanne d’Arc au sacre du roi Charles VIIJean-Auguste-Dominique Ingres – 1854 (Louvre)
« Pourquoi votre étendard fut-il porté en l’église de Reims au sacre, plutôt que ceux des autres capitaines ?
— Il avait été à la peine, c’était bien raison qu’il fût à l’honneur. »

Et c’est pour ça que je l’aime. Parce que d’entrée, d’emblée dans ce procès en Inquisition, elle pose le débat qui terrorise, tétanise ses juges, ces théologiens, évèques parisiens et bourguignons de haut vol, qui sont la crème de l’élite de l’époque. A-t-elle le droit de pratiquer sa foi directement en contact avec Dieu et sans passer par l’Eglise militante, à partir du moment où elle a un Conseil Divin et où elle considère qu’elle doit être la seule avec Dieu à en connaître les tenants et les aboutissants ? Elle leur répond que « Oui », et elle insiste, « Dieu seul me juge et pas vous ». Ils sont à juste titre tétanisés par cette réponse, et dès les premières minutes, on peut considérer que le procès est déjà fini. Il ne sera ensuite qu’une longue série de défaites pour les évèques parisiens et normands. Elle pratique sa religion sans passer par l’Eglise, ni par aucun écclesiastique, et son parcours jalonné de victoires (sauf la prise de Paris) n’est qu’une suite d’approbations divines, de victoires inconcevables mais devenues réelles à quelques semaine d’intervalle et offertes à un camp armagnac inspiré de quelque chose qui peut-être, et le doute est trop grand pour être ignoré, on ne peut pas se le permettre, est surnaturel. Plus que tout, ce procès a montré qu’elle était intelligente, brillante, affichant une énorme confiance en elle, accompagnée d’une grande capacité de répartie, et de beaucoup d’humour. Elle a montré aussi du recul et maîtrisait les grands thèmes qu’elle affrontait, qui présentaient une importance majeure à son époque : quelle est la place de l’Eglise dans la société, qui détient le pouvoir temporel ? Et elle est même allée plus loin, dans une réplique qui montre la profondeur qu’elle pouvait atteindre, lorsqu’on lui a posé la question piège : « Jeanne, croyez-vous être en état de grâce ? ». Elle répond et certains témoins de la scène se souviennent encore de sa réponse mot pour mot 25 ans après sa mort : « Si je n’y suis, Dieu veuille m’y mettre; si j’y suis, Dieu veuille m’y tenir ». Au delà de la façon admirable de contourner le piège tendu, elle a eu une réponse d’une étonnante humilité à la seule question qui lui est posée sur sa relation avec Dieu, elle qui avait montré énormément de confiance jusque là. Elle indique le doute, le questionnement et ramène tous les ecclésiastiques autour d’elle à une pratique personnelle de leur foi où le ressenti est prépondérant, elle remet en cause l’idée même de théologie ! Car la foi pour Jeanne se pratique dans le doute, dans le questionnement avec Dieu, et doit se vivre, se ressentir, et Dieu doit être présent au plus près chaque jour et on doit questionner cette foi en permance, être dans le doute, pas dans l’affirmation péremptoire sur ce sujet. Autrement dit, ceux qui ne sont pas dans le doute, ceux qui théologisent leur foi, ne la questionnent plus au quotidien, comme tous ceux autour d’elle issus de l’Université de Paris ou du diocèse de Rouen et qui durant cette Inquisition ne remettent pas en cause leur pratique malgré les messages qu’elle envoie, ne sont plus dans la pratique religieuse telle qu’elle pense qu’elle devrait être. Donc elle donne des leçons de foi à ces éminents religieux d’autant qu’elle vivra, ressentira, cette pratique religieuse en relation directe avec Dieu, jusqu’à son dernier souffle sur le bûcher.

Renée Falconetti

Je suis athée, ou plutôt agnostique, mais les questions que pose Jeanne durant ce procès à ses détracteurs sont capitales, et sont toujours d’actualité aujourd’hui il me semble. Alors il est évident que ce procès a été politique, mais je pense que profondément il a été érigé par ses juges de l’Université de Paris, parce que le parcours de Jeanne remettait en cause, au delà du fait qu’elle était une femme bien sûr, leur pratique religieuse (et aussi celle des religieux partisans armagnacs qui ont été très loin de la défendre). La réponse qu’elle a fournit, en substance qui était que sa pratique religieuse était validée divinement par la victoire donnée par le divin à sa vision du contexte politico-militaire de l’époque, a bien sûr été comprise par les évèques qui n’ont pas eu les clés de réponse pour lui répondre. Ils ne pouvaient, tout comme leurs contemporains qui pourtant n’étaient pas plus crédules que nous le sommes, que constater que ses victoires militaires annoncées à l’avance et inespérées par nature, instauraient de facto, comme Colette Beaune l’a bien expliqué, qu’il exista ou non une « injonction/implication » divine, la question n’est pas là, une « officialisation » de l’intervention du divin en même temps qu’était adoubée sa pratique directe de la foi au cours cette avancée aussi miraculeuse qu’inarêtable du camp armagnac face au bloc anglo-bourguignon.

Jeanne d’Arc écoutant ses voix – François Rude – 1845 (Louvre)

Alors, si elle n’a pas entendu de voix, s’est-il passé quelque chose, y-a-t-il eu un conseil divin et sous quelle forme ? On ne le saura jamais, Jeanne ne l’ayant jamais dit, pour elle ça ne concernait personne (l’idée est que puisque personne ne ressentait la même chose, ça ne servait à rien d’expliquer ce qu’il se passait, en même temps que personne d’autre n’étant destinataire de ce conseil divin, ils n’avaient donc pas à connaître sa voix de transmission, sinon ils l’auraient connu). C’est tout le mystère de l’épopée Johannique, tout ce qui en fait la profondeur, la complexité, et le charme. Il y a ses deux témoignages, devant le Dauphin et en confession avant d’aller au bûcher, où elle évoque des milliers de lumières qui se mettent à danser féériquement devant elle avec une douce mélopée qu’elle peut entendre lorsqu’elle peut prier longuement seule (ce qui s’apparente quasiment à de la méditation). Ces phénomènes qui peuvent arriver à des chamans pratiquant leur art sont peut-être ce qu’il s’est passé. C’est en fonction de la croyance de chacun. Et tout un chacun a le droit de penser qu’elle a effectivement entendu des voix, ou qu’elle a vu des anges, ou encore qu’elle a discuté avec le divin, ou qu’il ne s’est rien passé du tout. Mais il est probable, à l’aune de l’engagement absolu dont elle a fait preuve, et sachant l’intelligence et la rapidité d’analyse qui la caractérisait, qu’il lui soit arrivé, et de façon répétée, quelque chose qu’elle était manifestement la seule à vivre, ou plutôt à savoir provoquer, et qu’elle n’ait pas su s’expliquer, malgré ses tentatives diverses, autrement que par une volonté de désignation par une « entité divine », avec toutefois une forte ascendance païenne étant donné l’environnement culturel qui était le sien. Et qu’ainsi, « il » lui était demandé d’accomplir quelque chose, charge à elle de comprendre ce qu' »on » attendait d’elle. Le contexte politique et militaire, l’engagement de son père et de sa famille dans la cause Armagnac, les évènements tragiques vécus tout au long de sa vie à cause de la guerre, l’ont conduit à penser qu' »on » attendait un engagement de sa part dans la guerre civile armagnaco-bourguignonne, et en faveur son camp, armagnac.

Mais ce n’est pas seulement son conseil divin qui a permit son succès. Elle était dotée d’une remarquable intelligence confirmée par un grand sens de l’humour comme déjà dit, mais possédait aussi deux autres qualités qu’elle a su exploiter à merveille : une extraordinaire vision dans l’espace, qui elle seule peut expliquer plusieurs moments d’Histoire qui touchent sur ce point au surnaturel. Mais aussi une faculté à comprendre les aspirations communes des divers peuples qui composaient le royaume, résumées par : LA FIN DE LA GUERRE !

Pourquoi une forte ascendance païenne est-elle aussi notable dans la croyance qui était la sienne ? Parce qu’on sait qu’elles n’étaient pas tout à fait identiques à celles attendues par l’Eglise militante de par sa pratique directe de la foi. Beaucoup de croyances la rattachait aussi à un monde plus populaire, paien, et d’essence merlinesque comme la prophétie qu’elle mit en avant de la vierge venant sauver le royaume. Ce fameux bâton également, son Martin (nom dont la racine est issue du nom original de Merlin), par lequel elle jurait, le bois chenu aussi qui était un mythe profond de la chevalerie médiévale et devant lequel se trouvait le chène ancien sous lequel elle a vécu ces « phénomènes » en premier lieu, le tout associé à une étonnante appropriation des croyances de la cavalerie/chevalerie comme en témoigne sa proximité avec sainte catherine de fierbois, les dons récurrents d’armes et armures, le saut de Baurevoir admirablement expliqué comme tant d’autres choses par Françoise Michaud Fréjaville, et puis surtout son acceptation progressive par le monde de la chevalerie armagnac qui ne peut avoir existé que parce qu’elle su s’impregner de croyances aussi spécifiques.

Milla Jovovich

Alors que dire de plus sur Jeanne ? On ne répètera jamais assez donc qu’il ne s’agissait pas pour elle, armagnac, de chasser les anglais mais de se jeter dans la bataille de la guerre civile qui opposait les armagnacs aux anglo-bourguignons. On a longtemps cru qu’il s’agissait pour les 2 camps français de favoriser l’accès au trône de leur champion durant le règne emprunté de folie du roi Charles VI. Mais il s’agissait de plus que cela. Une guerre civile qui dure près de 40 ans trouve ses racines dans plus que cela, dans un affrontement entre deux civilisations opposées à tous points de vues qui parcouraient les peuples qui forment aujourd’hui le territoire de France. Une frange bourguigno-champeno-nordiste vivant dans un habitat urbain, moins rural, peu solidaire, dans des familles nucléaires plus répandues, axée sur le commerce. En face une composante qui traversait l’ouest et le sud du pays beaucoup plus rurale, plus solidaire, où la formation et la qualification des enfants était primordiale. En effet ils devaient quitter le village natal et aller dans un autre village fonder un foyer grâce a un bagage étendu, de l’assurance en soi, et une culture et une indépendance d’esprit qui devait les porter loin. Ces familles vivaient plus souvent aussi sous un même toit a plusieurs générations.

Entrée de Jeanne d’Arc à Orléans – Jean Jacques Scherrer – 1887

Jeanne était issue de cette seconde civilisation, et voyait celle-ci littéralement disparaître au début de l’année 1429 en même temps que les défaites militaires s’accumulaient et que l’exil du Dauphin devenait de plus en plus probable. Comment peut-on supporter la disparition de la civilisation qui a guidé toute sa vie comme celle de ses proches ? Comment faire pour contrecarer cette disparition ? Elle a compris, étant une armagnac vivant chez les bourguignons, qu’ils étaient comme elle, et surtout que seule l’injonction divine pouvait à leurs yeux surpasser la puissance juridique du traité de Troyes qui chassait le Dauphin du trône, si on souhaitait un jour vivre en paix un tant soi peu rassemblés autour d’une puissance un peu supérieure. Alors pourquoi s’est-elle lancée dans la guerre civile et n’est pas rentrée dans un monastère ? Parce qu’elle vivait la guerre civile au quotidien, il faut bien s’imaginer que son village entouré de Bourguignons, qui attaquaient celui-ci régulièrement, était comme celui d’Astérix entouré de camps retranchés romains, plus au coeur de la bataille que 95% des territoires armagnacs. Parce qu’elle était comme Colette Beaune l’a souligné, une fille de la frontière (avec l’Empire Germanique en face du village), entraînant un surcroit d’attitudes ultimes, tranchantes voire transcendantes. Parce qu’aussi elle vivait, bien que géographiquement située dans le Barrois Mouvant, réellement de tous points de vue sociétaux, sous l’emprise de l’Empire Germanique et bénéficiait à cet égard des droits celtiques plus importants dévolus aux femmes, et à une pratique religieuse bien plus ouverte. Elle avait aussi eu la possibilité de rencontrer beaucoup de voyageurs, certaines personnalités comme le capitaine de Vaucouleurs. Elle savait aussi très bien coudre ce lui assurait une indépendance matérielle où qu’elle aille. Elle allait enfin très souvent prier à l’église de Bermont à proximité de Domrémy en compagnie de religieux, ce qui probablement lui a offert une largesse d’esprit sur la façon de prier, croire, transcender en y répondant, certaines des questions existencielles qui devaient la tarauder (pure supposition de ma part sur ce point).

Maison de la famille Darc à Domrémy (Barrois mouvant – Vosges – Lorraine)

Et enfin et surtout, elle vivait au sein d’une famille dont elle était très fière et qui l’accompagnera et la soutiendra tout au long de son épopée, les Darc ou Dars. Une famille très ambitieuse, qui était sortie de sa condition paysanne, qui dominait le village de Domrémy, qui était l’un des seuls coins du royaume de France qui jamais, tout comme le Mont Saint Michel, ne tombera aux mains anglo-bourguignonnes, une famille qui était socialement à mi-chemin entre la paysannerie et la petite noblesse. C’était une famille où on savait lire, compter, où on connaissait le droit, où on avait appris à se battre, où on avait une éthique religieuse très étendue (la mère Isabelle de Vouthon, très croyante, ayant fait un pélerinage très probablement au Puy Notre Dame dans le Maine & Loire, Jeanne reproduira quelques années plus tard ce périple familial, qui déjà passait par Chinon, en allant rejoindre le Dauphin en terre tourangelle en février 1429), où on portait aussi la nostalgie d’une société médiévale où les couches sociales se mélangeait beaucoup plus facilement avant que la noblesse décimée par la guerre de cent ans ne se recroqueville sur elle. Cette famille sera capitale pour cette jeune femme (une jeune femme qui n’est plus adolescente, pas encore une femme mariée, une Pucelle, une puella en latin, un statut très protégé, qui offre une très grande liberté de mouvement et de pensée à ces jeunes femmes avant de devenir femmes mariées et contrariées, alors forcément vierge comme toutes les jeunes femmes de bonne famille, donc inspirée selon les canons de Rome par Dieu et non le Diable, et dont le statut lui offre ce droit si capital de porter un pantalon). Une jeune femme dont l’absolu de la jeunesse sera l’atout principal dans ce monde de gamins on dirait aujourd’hui, de jeunes qui tous avaient entre 16 et 27 ans au maximum. Elle sera, en brisant les barrières invisibles de la société, en cotoyant et en construisant elle même le pouvoir en provenance de sa petite campagne, aux yeux de tout le monde, et de la jeune noblesse notamment, une bouffée d’air frais. Une jeunesse qui était privée alors de l’ascension sociale sublimée 2 siècles durant par la courtoisie au cours d’une période médiévale parcelée de progressions sociales alors constantes, et qui était brimée (cf. Froissart et de Pisan) en ce début de Renaissance depuis que les contingents de la noblesse, dégarnis par la guerre, pensaient plus à préserver ses territoires par des accouplements de raison qu’à s’abandonner a ses passions envers des personnes de conditions sociales différentes par l’entremise de la courtoisie. Bloquant là toute une respiration sociale qui après le passage du maëltrom Jeanne, tel un appel d’air, retrouvera une grande partie de sa fraîcheur et sera pour le siècle redevenue une constante sociale salutaire et qu’on voit bien revenir en force dans les contes et poêmes d’amour qui sont publiés durant la seconde partie du XVème siècle.

Ingrid Bergman

Elle sera avec tous ces jeunes nobles, comme larrons en foire, et pas plus d’une trentaine à eux tous, ils seront à la base d’une reconstruction du pays qui conduira à la France qu’on connait aujourd’hui. Ils l’appréçiaient, et l’ont vu comme un maëlstrom certes, mais aussi comme une petite soeur qui n’est pas restée longtemps avec eux. Elle leur a rappelé, elle dont ils se souviendront toujours avec émotion 25 ans après sa mort, une chose essentielle de la courtoisie et de la chevalerie : « Conduis-toi bien, exprimes-toi bien, soit supérieur en tout, en humilité, connaissance, tempérance, courage, humour, volonté, dévouement, intelligence et tu pourras conquérir les tiens autour de toi. Si tu obtiens tout ça, tu obtiendras la victoire sur le champ de bataille ». Elle accomplit cela et elle a gagné. Ils ont continué le chemin qu’elle a tracé et ils ont gagné.

Livres et études à recommander : tous ceux écrits par des historiens sérieux. Quelques exemples :

Colette Beaune : https://livre.fnac.com/a2508754/Colette-Beaune-Jeanne-d-Arc

Françoise Michaud-Fréjaville : https://journals.openedition.org/crm/732

Régine Pernoud: https://www.babelio.com/livres/Pernoud-Jeanne-dArc/13266

Georges et Andrée Duby : http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Folio/Folio-histoire/Les-Proces-de-Jeanne-d-Arc

Philippe Contamine (avec X. Hélary et O. Bouzy): https://livre.fnac.com/a3733171/Philippe-Contamine-Jeanne-d-Arc-Histoire-et-Dictionnaire

Olivier Bouzy : https://www.larep.fr/orleans-45000/loisirs/l-orleanais-olivier-bouzy-raconte-jeanne-d-arc-dans-un-nouveau-livre_13620934/

Gerd Kumreich : https://www.lemonde.fr/idees/article/2012/01/07/jeanne-d-arc-l-internationale-par-gerd-krumeich_1627061_3232.html

Jules Quicherat : http://www.stejeannedarc.net/biblio/quicherat_proces.php

Pierre Duparc : https://ulysse.univ-lorraine.fr/discovery/fulldisplay?vid=33UDL_INST:UDL&docid=alma991002435009705596&lang=fr&context=L&adaptor=Local%20Search%20Engine

4 réflexions sur “Ma Jeanne

  1. Chouette article, qui s’abreuve à d’excellentes sources et références. Il faudrait plus de temps set d’espace que celui d’un commentaire pour développer les remarques qu’il m’inspire… Je me bornerai ici à inclure le seul portrait d’elle réalisé de son vivant, griffonné en marge des minutes de son procès par un clerc qui, comme beaucoup d’entre nous en réunion, s’occupa alors comme il le pouvait.

    1. Merci beaucoup maître Kozoh, ça me touche beaucoup venant de toi qui est beaucoup plus érudit que moi en Histoire et au moins tout autant passionné.
      Mais je pense que je vois cette passionnante aventure par le petit bout de la lorgnette souvent. Si tu veux écrire un article en réponse ou en complément de celui-là ça me ferait très plaisir et ça serait un honneur que de te laisser accès au blog pour que tu puisses l’y écrire ou bien tu m’envoies l’article sous une autre forme et je le publie tel quel à ton nom toujours sur le blog ? Au plaisir de te lire cher ami.

  2. Passionnant… avec une remarque égoïste (ou égocentrique, je sais pas choisir) : c’est l’une des rares fois où je vois le terme « agnostique » utilisé comme je l’utilise moi-même. C’est à dire sans le fatras mystique relié à une prétendue « gnose » ni l’erreur de traduire cela par athée.
    Merci cela rafraichit… en plus de cette passionnante (je me répète) étude sur Jeanne.

    1. Merci beaucoup alapero pour ce joli commentaire mais j’ai encore beaucoup de progrès à faire en terme d’expression de la langue française.
      Effectivement cette épopée johannique m’a montré, comme une école de vie, que l’humilité devait accompagner l’analyse de l’histoire de nos aïeux, et c’est je crois un des traits qui ce caractérise l’agnostique dans son approche des choses.

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