Mamelles

La vache. La vache a disparu. La vache normande, la cantalou ou d’Aubrac, la vache et le prisonnier. Elles ont disparu. Le tournant du XXI eme a tué cette brave bête en France. Ou plus précisément les prairies dans lesquelles elles pouvaient pâturer on été réduites de 30% en 30 ans.

Elle pete la vache. elle prend de la place et elle fait caca partout, c’est vrai. Mais le pet c’est le trop plein d’azote issu du maïs ensilage avec lequel on les nourrit plutôt que le foin, la place c’est la prairie qui est le principal réseau de biodiversité de notre pays après la forêt, et le caca c’est une restitution azotée qui évite des tonnes de pesticides.

Donc oui on a perdu une quantité astronomique de prairies depuis 30 ans. Exactement, en terme de surface, 3 millions d’hectares de prairies en France ont disparu depuis 1991. La moitié, 1.5 millions d’hectares, parce que des éleveurs ne pouvaient vendre le lait plus cher que 40 centimes du litre en 2023 alors qu’il leur en coûte 50 centimes au litre pour produire le lait, plus précisément que les vaches se laissent traire matin et soir. Et donc ils ont dû retourner (labourer) ces prairies pour vendre des céréales à la place du lait.

3 principales firmes de l’agroalimentaire occupent 75% du marché des produits laitiers. Les 5 plus grosses, parmi les quelques milliers qui existent, cumulent 97% des bénéfices. 50% du lait produit est acheté par des grandes surfaces dont les bénéfices sont faramineux depuis 20 ans aussi. Les marges de tout ce petit monde ont été multipliées par 10 en 30 ans. Les éleveurs eux ont perdu de l’argent en 30 ans. Ils sont financés à 96% par les subventions, par nous. À la place des vaches et des prairies on a des champs de blés, maïs ou soja.
Ou aussi des grandes surfaces, des parkings, des autoroutes et des lotissements où viennent vivre des déracinés du monde entier ou des expatriés de la campagne à 30 kms de là. Car l’autre moitié des prairies perdues, soit 1.5 millions d’hectares, l’ont été car elles ont été transformées en béton ou en goudron.

Première génération d’élus qui n’a jamais eu de terres ni vécues a la campagne. Première génération du purs citadins qui n’ont jamais connu les poules saignées, ou les terres sèches de leurs ancêtres sénégalais ou encore les vignes taillées, dans le froid piquant, par leurs parents ou grands parents. Première génération aussi de responsables administratifs et politiques issus de trois écoles lamentables qui méprisent tout ce qui n’est pas comme eux, riche.

Les gaulois avaient créé ce monde. Il s’agit de protohistoire. Un mot gros pour dire, ceux qui créent ce qui dure, et qui aiment la nature. Ils n’ont voulu rien écrire et pourtant ils sont toujours là et nous regardent. Bien plus que les Cathares de l’adorable Francis.

Est ce la fin de l’Histoire ? Oui très probable. N’oublions pas que la vache est le seul animal à fabriquer certaines vitamines essentielles à l’Homme. Vercingétorix, admiratif et contemplatif, aimait à se promener dans ces paysages façonnés par l’Homme. Comme nous. Les voies romaines dont sont issues nos routes nationales étaient d’abord des voies gauloises. Et donc harmonieusement intégrées à ces paysages. Alors qu’une autoroute va tout droit sans se soucier de rien.
Les gaulois ont inventé des outils, le char, le chariot, la moissonneuse. Nous avons inventé l’Internet. Des chars les romains ont faits des jeux du cirque. De l’internet les américains ont fait les jeux du cirque. Les gaulois ont été soumis, on le sait grâce aux fouilles de l’Inrap, car ils étaient riches et productifs. D’autres peuples gaulois ont participé également à la soumission attirés par ces richesses.

Parce qu’une prairie c’est formidable et ça a joué un rôle formidable depuis 2500 ans : l’eau peut s’y infiltrer et pénétrer ainsi dans le sol jusqu’aux nappes phréatiques, elle refroidit, par l’évapotranspiration qui émane de ses brins d’herbe, l’atmosphère au dessus en été et le réchauffe en hiver (jusqu’à 15 degrés de moins qu’au dessus d’une terre nue), elle nourrit quantité d’insectes, d’animaux petits, moyens, gros. Les abeilles y trouvent aussi des fleurs pour se nourrir, et elle capte le carbone en excès dans l’air.
On fait aussi des fromages différents d’une région a l’autre parce que les prairies pâturées sont différentes et le lait produit possède invariablement un goût subtilement différent. Mais on a perdu le goût du lait avec le lait pasteurisé. Avez vous goûté du lait frais ? Vous verrez il y a tellement de goût et de saveurs dans un lait non pasteurisé que c’est choquant les premiers fois, comme disent les jeunes.
Les prairies représentent la France, notre richesse, ce sont les prairies qui ont fait la France.

Devant ces disparitions dramatiques, deux régions ont interdit le retournement des prairies (interdiction de les transformer en champ). Et deux régions l’ont soumis à autorisation depuis quelques mois. Je ne sais pas si c’est une bonne mesure. Il faudrait d’abord que le lait puisse être vendu à son juste prix pour les agriculteurs. Et pas besoin d’augmenter les tarifs pour les consommateurs non plus, industriels et grandes surfaces s’engraissent suffisamment sur notre dos ! Ensuite il faut que les élus stoppent leur frénésie d’artificialiser des terres sans arrêt. Ils n’ont pas le droit de préempter des terres formidables et de priver les générations futures de prairies extraordinaires comme ça. C’est de cette façon qu’on pourra garder les prairies créées par Vercingetorix et ses ancêtres et entretenues pendant 100 générations jusqu’à nous.
On restaure bien une cathédrale, on peut bien remettre en place 3 millions d’hectares de prairies. Sans prairies il n’y aurait jamais eu de cathédrales. Et si les villes sont si importante aujourd’hui elles ne peuvent exister que parce qu’il y a ces 7 millions d’hectares de prairies autour.

Buvez du lait, frais, et admirez les prairies qui restent. Elles sont devenues rares à cause des prédateurs : les gros pleins de fric et les grandes surfaces d’autres gros pleins de fric (les actionnaires) qui pour s’enrichir encore plus n’hésitent pas à détruire un patrimoine essentiel de notre pays qui était là bien avant eux mais qui ne sera plus là après eux.

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