Jehan Froissart (partie 1) : Chroniques

Il peut paraître bizarre de faire un article sur un livre. Il s’agit en fait d’un ouvrage peu connu du grand public mais primordial car il constitue une mine d’or pour les historiens qui étudient la fin de la période médiévale. Il s’avère être quasiment la seule source d’information retranscrivant la plupart des grands événements qui ont jalonné le bas Moyen-Age (la partie la plus récente) et notamment la première moitié de la Guerre de Cent Ans. Ce livre, qui s’intitule « Chroniques », et qui est en soi une oeuvre d’art aura été façonnée, réécrite et augmentée tout au long de sa vie par son auteur. Beaucoup d’enlumineurs célèbres de l’époque auront également agrémenté de nombreuses enluminures certaines des versions élaborées. En effet au grès des commandes près d’une centaine de versions de cet ouvrage ont existé et quelques unes ont subsisté (toutes manuscrites) jusqu’à nos jours.

Portrait de Froissart écrivant à sa table et saluant un grand seigneur qui vient lui rendre visite
manuscrit – Bibliothèque de l’Arsenal
© cliché Bibliothèque nationale de France

Jehan Froissart, qui est le créateur de cette œuvre majeure, à écrit ces Chroniques de façon assez unique. A la lecture on se rend compte que le style qu’il emploie est très agréable et de facture très moderne et on pourrait le qualifier de vivant, alerte, aérien, tout en étant factuel et concis. Sur la forme, il est constitué d’une série de « livres », qui écrits au fur et à mesure des différentes périodes d’écriture de l’auteur ont petit à petit été reliés ensemble. Ils sont chacun constitués d’une série de ce qu’on pourrait qualifier aujourd’hui de grands reportages. Ils avaient pour objectif de relater dans des chapitres différents les événements qui ont pu toucher les grands personnages de l’époque. Certains d’entre eux furent les protecteurs de Jehan Froissart mais à contrario d’un certain nombre de chroniqueurs qui ont précédé ou vécu au même moment que Froissart, celui-ci s’efforce, malgré quelques petites entorses parfois, de ne pas faire l’apologie des grands à la cour desquels il était en réalité admis et protégé : il se sert d’eux généralement comme source d’information pour ses Chroniques : ils ont été les acteurs ou les témoins directs des événements relatés, ou bien il s’agit de tiers auxquels les événements ont été narrés et que Froissart recoupent via plusieurs témoins, appliquant ainsi le principe narratif de la vérité racontée et issue de témoignages, principe littéraire en vogue dans la littérature de l’époque.  Même s’il est évident que sa présence à la cour d’Edouard III correspond à des mises en perspectives des exploits militaires anglais, et que sa présence à la cour de France plus tard lui offrira une vision centrée sur les exploits de Charles V, ça correspond aux paradigmes militaires dont il a été le contemporain et sa vision critique est souvent un style novateur. Dans son préambule Jehan Froissart décrit explicitement que son but est de retranscrire objectivement et le plus fidèlement possible les événements afin de transmettre aux générations futures un témoignage fidèle de ce qu’ont vécu les grands personnages qui ont fait l’Histoire de son époque. L’ouvrage en lui-même représente aux yeux de beaucoup de spécialistes le premier exemple d’œuvre journalistique élaborée.

Jehan Froissart

Les Chroniques parcourent les événements politico-militaires qui se sont déroulés entre 1320 et 1400, donc la Guerre de Cent Ans dans sa première partie. C’est très important car cette période de l’histoire de notre pays est fondatrice en partie de la France telle qu’on la connaît aujourd’hui sur une majorité de thèmes. Contrairement à beaucoup de chroniqueurs qui ont précédé Froissart, et même s’il fut curé jeune et sera chanoine à la fin de sa vie, celui-ci n’a pas un esprit ecclésiastique et ses écrits ne portent pas ce prisme un peu déformant de la religion. Au delà des Chroniques, ce qui est remarquable c’est que Froissart fut un écrivain prolixe et surtout un poète épris de l’esprit chevaleresque et de l’amour courtois. Et les Chroniques servent aussi à cet égard, en parallèle de la retranscription des événements de l’époque, à la mise en exergue de l’esprit chevaleresque auquel Il tenait tant.

Les bourgeois de Calais – Auguste Rodin

En effet, ces comportements chevaleresques, les belles âmes, masculines ou féminines mais aussi la bravoure,  de même que le jeu subtil de la « courtoisie » y sont célébrés, alors que les attitudes pleutres, ou en opposition à ce que doivent être l’engagement d’un chevalier ou la noblesse d’une grande dame, y sont critiquées. On sait par exemple aujourd’hui que l’histoire des bourgeois de Calais, qui a donné à Rodin l’occasion de réaliser l’une de ses plus belles sculptures, et que l’on ne connait essentiellement que grâce à Froissart, a probablement, dans une rare entorse à la réalité, partiellement été romancée par celui-ci dans le but de placer en partie sur un piédestal Philippa de Hainaut, la protectrice de l’écrivain et qu’il estimait énormément, alors qu’elle était publiquement délaissée par son mari le roi Edouard III et sujette aux moqueries de la Cour amusée par les goujateries royales.

Les Chroniques de Jehan Froissart – Edition de Mme de Witt

Il est à noter que Les Chroniques ont été rééditées notamment par l’entremise de Mme de Witt née Guizot, en 1881, dans de magnifiques ouvrages d’art qu’on peut se procurer dans des librairies spécialisées. Le plaisir est grand à la lecture de cette reproduction magnifique de l’œuvre originale (mais en modernisant le texte original écrit en vieux français incompréhensible à notre époque) qui contient notamment des copies d’enluminures d’époque.

Les mille vies de J. Froissart

Jehan Froissart est né à Valenciennes aux alentours de 1333 et est décédé à Chimay en Belgique entre 1404 et 1410. On pense qu’il a, probablement, été orphelin assez jeune, élevé par un de ses autres parents, et qu’il s’est rapidement découvert un amour pour l’écriture en se positionnant auprès de grands personnages en tant que chroniqueur. Il débutera auprès de Jean de Beaumont sous l’égide de Jean Lebel, chroniqueur célèbre. Comme tous les artistes de l’époque il a pu vivre de son art grâce a la protection de grands seigneurs et surtout de leurs épouses. Il a été longtemps le protégé de la femme du roi d’Angleterre, Phillipa de Hainaut donc, puis a la mort de celle-ci, il se rapprocha du Duc de Brabant et enfin fut proche notamment du comte de Blois. Gaston Phebus l’accueillit aussi en Béarn a Orthez assez longtemps. Chacune de ces longues étapes furent l’occasion d’œuvrer à augmenter ses Chroniques mais aussi ses poèmes et ses dits (oeuvre romanesque).

L’une des caractéristiques principale de Jehan Froissart est qu’il a énormément voyagé : en Angleterre, en Flandres, dans ce qu’on appelait la France soit grosso modo l’Ile de France d’aujourd’hui avec un peu de Picardie, d’Orléanais et la région de Bourges, mais également en Bretagne, en Aquitaine, en Gascogne, dans le Lyonnais, en Occitanie aussi. Et il a vécu aux côtés de la plupart des grands noms de l’époque : Les rois d’Angleterre et de France, le Prince Noir, du Guesclin, Charles V, Charles VI, le roi d’Ecosse, Bruce, Jean de Bretagne, Isabeau de Bavière, le duc d’York, le duc de Berry, Louis d’Orleans, Gaston Phoebus, le duc de Brabant, etc. Difficile de faire mieux. C’est auprès d’eux et de tous les gens qui entouraient ces puissants qu’il a puisé la matière de ses Chroniques. A noter que la langue officielle à la Cour d’Angleterre était le français facilitant son intégration.

Le contenu des Chroniques

Froissart a donc vécu durant la première partie de la guerre dite de 100 ans mais n’a assisté lui-même qu’à peu de batailles directement. Ce n’était pas très recommandé. Il fut proche d’un grand nombre de chevaliers. Certains étaient des combattants de métier et avaient constitué leur « hôtel », d’autres combattaient plus occasionnellement.

Les batailles dans les Chroniques

Les batailles constituent l’articulation majeure des Chroniques. Leur récit vient de témoignages à la Cour d’Angleterre, de France où des princes que côtoyait Froissart. Leur description abondante est découpée en plusieurs parties. La description du contexte dans un premier temps. Puis ensuite le positionnement et la tactique envisagée par chacun des camps, de façon successive. Puis le déroulement de la bataille avec description du comportement de chacun, notamment des chevaliers (un chevalier ne doit jamais reculer ou tourner bride sous peine de déshonneur). Enfin la conclusion de la bataille avec souvent un jugement de valeur – la traduction de l’esprit divin, du jugement dernier en quelques sortes. L’esprit chevaleresque et l’intelligence tactique sont mis en exergue. Toutes ses parties rassemblées peuvent constituer une dizaine de chapitres pour décrire une bataille.

Il existait pour information durant la période médiévale essentiellement trois types de batailles. Les batailles de sièges où des villes ou des positions stratégiques étaient assiégées par une armée. Elles duraient plusieurs mois et généralement les assiégés étaient obligés de se rendre s’ils n’étaient pas secourus par une armée alliée, sous peine de voir tous les habitants mourir affamés ou assoiffés. Les batailles de plein champ voyaient s’affronter de face deux armées. Elles étaient plus meurtrières que les sièges mais surtout on en ignorait l’issue avant le début, raison de leur rareté. Une bataille de ce type pouvait avoir lieu tous les deux à trois ans au maximum. Elles constituent la raison d’être de la chevalerie, où la noblesse justifie ses privilèges et les chevaliers leurs statuts.

La bataille de Castillon (mort de John Talbot)
par Charles Philippe Larivière

Ces batailles étaient normalement très codifiées du point de vue de la chevalerie et les prisonniers nobles pouvaient survivre car les rançons en échange de leur liberté pouvaient rapporter gros à leurs geôliers. Ce genre d’affrontement nécessitait une grande technicité de la part des cavaliers qui devaient souvent courir à bride abattue lance en main lors des assauts.

Enfin le dernier type de bataille, les batailles de poursuite, avaient lieux lors de fuites, après une bataille de plein champ par exemple. Elles étaient les plus meurtrières, conduites par des cavaliers avançant contre des combattants souvent à pied et dos a l’ennemi.

Il me semble important d’évoquer deux batailles de plein champ très marquantes telles que décrites par Jehan Froissart dans les Chroniques. Une très célèbre, l’autre beaucoup moins connue mais tout aussi importante. Ceci afin de montrer ce que Froissart a voulu mettre en exergue durant le récit de ces guerres.

La bataille de Crécy (1346)

Bataille de Crécy – Miniature de Loyset Liédet, Chroniques de Froissart, 

Edouard III Plantagenet puissant et historique roi d’Angleterre souhaitait profiter de la mort de Charles le Bel (IV) en 1328 pour mettre un terme à la vassalité qu’exerçait alors le royaume de France Outre-Manche et pour cela engagera les hostilités petit à petit avec Philippe VI de Valois, le successeur de Charles IV. Ce conflit sera la première des confrontations de la bien mal nommée Guerre de 100 ans, renforcera le pouvoir d’Edouard III et mettra en exergue l’incompétence des élites du royaume de France de l’époque (les premiers Valois) conduisant à des révoltes populaires envers les gouvernants.

Apres avoir entrepris la reconquête de l’Aquitaine, le roi d’Angleterre débarqua lui même en Normandie en 1346, pilla et incendia le royaume en remontant vers le Nord avant de faire halte dans une petite bourgade, Crécy en Ponthieu, aux confins de la baie de Somme. Il y prépara activement durant plusieurs jours son armée au combat sur un terrain qu’il avait lui-même sélectionné en demandant à celle-ci de creuser la plaine pour avoir une position stratégique supérieure protégée par une multitude de pieux plantés afin de bloquer les charges de la chevalerie française qui viseraient à tailler en pièce son archerie. Et pour cause ! Si devenir un chevalier était un honneur en France permettant a beaucoup de jeunes nobles d’entrer avec hardiesse dans l’âge adulte, elle n’était alors plus prisée en Angleterre où Edouard III avait décidé au contraire de bâtir une armée professionnelle à base d’archers, seule a même de survivre face à la très redoutée chevalerie française. Il a fait appel aux villages et villes qui devaient fournir des hommes mais aussi à énormément de mercenaires pour garnir ses troupes : l’esprit qui animait cette armée s’en ressenti : de chevaleresque encore 25 ans auparavant elle était donc devenue une armée de mercenaires en 1346. En face l’armée française plus nombreuse était constituée de chevaliers et de cavaliers. Elle est arrivée regroupée sur les lieux de la bataille seulement le matin même mais a pu établir une stratégie qui visait à protéger les cavaliers des archers anglais dont on savait côté français qu’ils étaient très meurtriers. Mais, et alors que les premières flèches anglaises provocantes cisaillent le ciel pour s’abattre mortellement sur l’avant garde composée de fantassins, une sorte de folie s’empara du commandement français. Philippe VI en tête ordonnera, oubliant les plans pré-établis en commun, de charger sans discontinuer durant plusieurs heures à des cavaliers qui finiront systématiquement empalés sur les pieux ou transpercés de flèches. Les charges de fin de journée, engluées dans les cadavres de cheveux et de cavaliers, inutiles, ont bien été données en connaissance de cause, les chevaliers sachant qu’ils allaient mourir en chargeant une énième fois, mais a cette époque là l’honneur commandait à un chevalier de ne pas abandonner ses compagnons et donc ne tournait pas bride.

Édouard III, Londres, National Portrait Gallery

Durant les dernières heures de cette journée et les jours qui suivront on assistera à un véritable massacre ( des crimes de guerre on dirait aujourd’hui) où les anglais emmenés par le Prince Noir, le fils d’Edouard III, massacreront les prisonniers, les blessés, ceux qui tentaient de s’enfuir etc. Des agissements qui seront légion durant cette campagne de plusieurs mois et que dénoncera Froissart avec force. Ceux-ci ne prendront fin que quelques mois après Crecy, lors de la reddition décrite de façon théâtrale et symbolique par l’écrivain, de la ville de Calais assiégée durant plusieurs mois par des troupes anglaises que n’oseront jamais attaquer les troupes françaises pourtant a quelques encablures et guidées par un Philippe VI, encore blessé, que le peuple surnommera a cette occasion « le pleutre ».

On évoque souvent dans certains ouvrages cette bataille comme étant celle qui sonnera le glas de la chevalerie dont on a vu son manque de discipline face aux armées de mercenaires disciplinés composées essentiellement d’archers. C’est une erreur majeure. La chevalerie n’a pas disparu elle a changé de comportement, suite à ce revers qui sera le premier d’une série, et ce, tout en conservant la même aura populaire justifiée et la même importance sociale. D’une cérémonie voyant de jeunes nobles vivre un rite de passage à l’âge adulte, l’adoubement par exemple deviendra seulement l’apanage de guerriers expérimentés ensuite pour enfin aboutir à ne concerner que cette caste des 1000 au début du XVème siècle où un millier de cavaliers parmi les plus valeureux formait le cœur des combattants du pays. Cette caste des 1000 formait les jeunes guerriers aux combats et sera à la base de la création de l’armée royale qui naîtra à la suite de Jeanne la Pucelle et qui vaincra définitivement les anglais au milieu du XVème siècle.

Une autre Bataille :  Cocherel (1364)

La bataille de Cocherel selon une enluminure du xve siècle (Toison d’or de Guillaume Fillastre).

Longtemps après Crecy, devenu roi de France, et héritant d’un royaume très restreint, aux abois, et menacé par les Compagnies, ces troupes de pilleurs constituées d’anciens soldats à la solde de ses ennemis anglais et du Roi de Navarre, Charles V de Valois se révélera un roi visionnaire. Il se forgera une solide amitié avec un jeune chevalier de petite noblesse bretonne qui deviendra l’un des plus célèbre chevalier français : Bertrand du Guesclin. Le début de la reconquête de son propre royaume pour Charles V viendra à l’issue d’un événement surprise. Souhaitant asseoir définitivement l’emprise du Navarrais Charles le Mauvais, son chef de guerre, le Captal de Buch, va provoquer un affrontement avec les troupes royalistes sur la route de Paris dans l’Eure. La présence des archers anglais à ses côtés ne laissaient guère de doutes sur l’issue de l’affrontement. D’ailleurs assez vite Du Guesclin et ses hommes, en nombre largement inférieur, décidèrent de lever le camp et de se retirer platement. Cette décision déclencha l’assaut ennemi qui prit en chasse les fuyards qui a la surprise générale firent demi-tour selon un plan établit à l’avance, dans une zone de leur choix, et taillèrent ainsi en pièce le corps principal de l’armée ennemie pris en défaut.

2 octobre 1369 – Du Guesclin reçoit l’épée de connétable (Miniature)

Par ailleurs, ainsi à découvert, les troupes anglo-navarraises se retrouvèrent prises au piège par un assaut de l’arrière préparé aussi a l’avance et qui vit le chef ennemi, le Captal de Buch devoir se constituer prisonnier aux hommes du roi. La victoire totale de Du Guesclin, menée par l’audace, la roublardise et le courage, qui étaient les seules armes à même de dominer l’archerie anglaise en théorie militairement supérieure, fut la première d’une nouvelle longue série qui vit au final le royaume français retrouver ses frontières originelles et les ennemis anglo-navarrais à leur tour soumis à des périodes sombres de luttes intestines et meurtrières. Ces victoires amenèrent aussi le peuple à retrouver confiance dans leurs dirigeants et conduisirent à la fin de la première partie de la guerre dite de 100 ans.

Conclusion

Ces exemples de chroniques sont essentiels à la compréhension de cette époque pour nous. Le travail d’analyse des historiens sur ces documents est essentiel car une interprétation en fonction des contextes et des buts proposés par le narrateur est indispensable pour que nous puissions interpréter dans sa vérité ces pans de l’histoire de nos ancêtres.

Ce qu’il apparaît c’est que Froissart était proche des grands personnages de son époque, où à contrario des croyances actuelles, les strates sociales étaient peu nombreuses et les relations directes entre nobles et non nobles étaient très fréquentes. même si évoluer d’une couche à une autre était possible mais compliqué, Il a par ses Chroniques offert une vision politique et militaire des personnages importants et des évolutions des pouvoirs de son vivant. Il a aussi par là-même offert un moyen aux jeunes de son époque d’apprendre à la lecture de ses ouvrages, l’Histoire de France, car bien sûr les écoles pour les nobles (garçons et filles) et les bourgeois (garçons) existaient depuis bien longtemps avant Froissart au sein de laquelle l’apprentissage de l’Histoire tenait déjà une très grande place.

Un autre pan de l’œuvre manuscrite de Froissart a souvent et longtemps été mal interprétée. Des historiens de la littérature ont dernièrement proposé de nouvelles analyses de l’autre vie littéraire de l’écrivain : l’œuvre romanesque et poétique de Froissart qui peut s’avérer quasi tout aussi importante que les Chroniques dans l’histoire de la littérature. Si elle prolonge les éloges récurrents faits à propos de la chevalerie dans son sens noble et de la courtoisie s’exerçant entre amoureux, elle dit beaucoup, sous un style qui peut paraître pompeux et lourd, des aspirations de la jeunesse de son époque et des bouleversements que ses désirs pourront provoquer, tout cela dans la continuité du Roman de la Rose par exemple et avant l’avènement de la Renaissance (XVème siècle).

Plaisantes à lire, ces Chroniques, dont je vous recommande la lecture, sont aussi pour Froissart l’occasion de mettre en exergue et l’esprit chevaleresque et la courtoisie, et il y montre outre son caractère critique de pratiques qui s’éloignent de ses idéaux, son amour du bien vivre, mais aussi de la culture et de la liberté et d’agir et de vivre ses passions. A destination je le répète à l’époque de la jeune génération de la noblesse et de la bourgeoisie mais aussi paysanne, démoralisée par la guerre et qui aspire à refonder le royaume et y établir de nouvelles règles.

En cela, j’aime beaucoup le Froissart poète et « romancier » et j’aspire à montrer dans une second partie explicitant son oeuvre en quoi de tels écrits poétiques sont aujourd’hui extrêmement valorisés et arrivent bien que longtemps jugés naïves, à un niveau aussi important que les Chroniques …

3 réflexions sur “Jehan Froissart (partie 1) : Chroniques

  1. Salut m’sieur,
    Article en profondeur que je vais relire tranquillement demain matin, là c’est un peu tard.
    Faudra que je reproche sérieusement à mon ami Kozoh de ne jamais m’avoir glissé un mot sur ton blog, il sait que j’aime aussi l’Histoire.
    Par contre, je rajouterai un petit truc : puisque avec Froissart, tu t’intéresse aussi à la littérature, je ne serais pas vexé si tu mettais dans ta blogoliste l’adresse du blog où je poste mes petits textes : http://alperopoesie.eklablog.com/.
    ll est noté chez Ago, mais les passionnés de F1 le sont rarement de poésie.
    Si tu trouves que l’écart est trop grand avec tes sujets et que tu ne diffuse pas l’adresse, ne t’inquiète pas, c’est pas grave, je passerai tout de même te lire régulièrement.
    Amitiés.

    1. Oubli réparé alapero.

      Pour me faire pardonner, une ballade de Christine de Pisan, contemporaine de Froissart :

      « Pour le desir que j’ay de vous veoir.

      Mon doulz ami, vueilliez moy pardonner,
      Se je ne puis, si tost com je vouldroye,
      Parler a vous, car ainçois ordener
      Me fault comment sera, ne par quel voye.

      Car mesdisans me vont gaitant
      Qui du meschief et du mal me font tant,
      Que je ne puis joye ne bien avoir,
      Pour le desir que j’ay de vous veoir.

      Si pry a Dieu qu’il leur vueille donner
      La mort briefment; car leur vie m’anoye,
      Pour ce qu’en dueil me font mes jours finer
      Sanz vous veoir, ou est toute ma joye:

      Car ilz se vont entremettant
      De moy gaitier nuit et jour, mais pourtant
      Ne vous oubli, ce pouez vous savoir,
      Pour le desir que j’ay de vous veoir.

      Mais ne sçaront ja eulx si fort pener,
      Que, maugré tous, bien briefment ne vous voie.
      Car tant feray, se g’y puis assener,
      Que vous verray, quoy qu’avenir m’en doye,

      Et vous feray savoir quant.
      Mon doulz ami, deportez vous atant.
      Car g’y mettray peine, sachiez de voir,
      Pour le desir que j’ay de vous veoir. »

      Christine de Pisan

  2. Merci lfse, c’est très beau (et m’a replongé dans la vieille salle de mon lycée, lorsque nous étudiions le vieux françois, trop brièvement, hélas).
    Je regrette vraiment de n’avoir pas autant de talent.
    … et tu n’avais rien à te faire pardonner. rien.

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